La faute de Monsieur  GHOSN

 

Hier tout puissant Carlos Ghosn aujourd’hui est l’objet de l’opprobre général. Ici le doute ne profite pas à  l’accusé. En cause le décalage de moins en moins accepté, entre une richesse, réservée à une minorité, étalée ostensiblement et une pauvreté,  toujours plus grande, de moins en moins, elle aussi, acceptée.

 

Malheur au vaincu

 

Comme d’autres avant lui Monsieur Ghosn plonge semble-t-il pour une « banale » histoire d’impôt et, à prouver, pour un abus de biens sociaux. Certes celui qui fut élève chez les jésuites n’est pas « un enfant de Marie ». Mais reconnaissons que le processus mis en œuvre pour déchoir Monsieur Ghosn manque d’élégance. En d’autres circonstances les japonais ont montré plus de bienveillance pour un autre empereur déchu …  mais pouvait-il en être autrement la gouvernance qui s’achève ( ?) étant une machine à niveler les esprits.

 

Faut-il parler de complot ? La prudence s’impose. Il n’empêche que la concomitance des faits entre l’arrestation de notre PDG à sa descente de l’avion, sous l’œil des caméras, et la mise au ban de l’idole des mangas et sa mise au pilori est surprenante. Ce règlement de compte est digne des meilleurs scénarios, il est vrai qu’en l’occurrence le PDG de Renault est un expert. Apparemment Monsieur Ghosn s’est fait doublé par plus malin que lui, mais attention à l’arroseur arrosé !

 

Il sera toujours temps de revenir sur les charges qui pèsent sur Monsieur Ghosn et sur les accusations portées ses détracteurs. Et par la même de comprendre les motivations de ces derniers, dont on peut croire que leur dossier est étayé. Comme il se doit, en pareille circonstance  « malheur au vaincu ». Monsieur Ghosn qui se faisait fort de connaître les us et coutumes locales avait-il imaginé que son apprentissage l’emmènerait à gouter au confort  des geôles nippones. ? Le costume que lui préparent ses anciens affidés doit-être de bonne qualité et d’un tissu solide puisque les deux représentants de Renault au conseil d’administration de Nissan ont voté la destitution de leur patron.

 

Nissan depuis 20 aura largement bénéficié de la gouvernance Ghosn, lequel « dispose (disposait ?), grâce à sa représentation au Conseil d’Administration de Renault et dans ses comités, d’informations stratégiques alors qu’il est dans le même temps actionnaire et administrateur de Nissan et qu’il prend, en tant que PDG, des décisions dont le contenu pourrait être inspiré par les informations confidentielles qu’il détient. Et parce qu’un tel scénario existe,  la question d’un conflit d’intérêt, au détriment de Renault, devrait être posée … » Nous reprenons ici ce que nous avions exprimé sous différentes formes, et qui se résume en une phrase : « l’avenir de Renault est sans Monsieur Ghosn ».

 

Depuis 2014 « La convergence de certaines fonctions ressort exclusivement d’une logique d’ordre industriel et ne s’accompagne pas d’une modification des structures juridiques », voir les questions posées par écrit à la dernière AG. La stratégie poursuivie tend à « vider » le groupe Renault (mais aussi de Nissan) de ses compétences, en les transférant sous l’autorité de la filiale commune, RNBV,  basée en Hollande. Aujourd’hui toutes les directions opérationnelles de Renault et de Nissan sont fusionnées. D’un point de vue industriel Monsieur Ghosn a réalisé l’alchimie dont rêvent tous les constructeurs : la transformation de plusieurs groupes en autant de marques réunies sous la même autorité, dans un même ensemble. Et de fait, les produits badgés Renault sont ou seront des clones des produits Nissan et inversement.

 

A diverses reprises nous avons écrit  « Carlos Ghosn construit un mutant qui peut lui échapper. Le rapprochement des fonctions convergées de Renault et de Nissan sur une base juridique non consolidée est dangereux, explosif ».  C’est d’autant plus vrai pour Renault que les gages donnés à la marque japonaise fragilise la française.

 

Aujourd’hui, la fusion des deux groupes  est en passe d’être achevée au niveau industriel. Le fonds du problème est  maintenant la gouvernance et la répartition des pouvoirs économiques du nouvel ensemble, au profit de qui ?  Ni à Nissan ni à Renault mais à la filiale hollandaise RNBV, ceci avec le consentement  des deux conseils d’administration qui aujourd’hui renient Monsieur GHOSN !! et pour la partie française la passivité de l’Etat actionnaire !!!!

 

Les déboires de celui qui, fut pendant quelques mois le PDG numéro 1 des constructeurs automobiles sont une bonne illustration du peu de considération que les milieux dits autorisés ressentent pour l’ex Régie à preuve, la dégringolade du cours du titre Renault. Indirectement au-delà des vicissitudes auxquelles doit faire face le « cost killer », ce phénomène met en évidence  que le marché ne croit pas à la pérennité de l’Alliance.

Depuis plusieurs années, il y a une unanimité pour dire que le modèle mis en place depuis 1999 ne doit son existence qu’à la présence de monsieur Ghosn, sous-entendu lui partit tout se délite. Ce qui n’est pas très aimable, au fond, pour notre PDG ; puisque cela signifierait que sa sortie est vouée à l’échec.

 

Depuis sa naissance l’accord conclu en 1999 entre les deux constructeurs fait l’objet de spéculations.  Allons-nous assister au détricotage de l’Alliance ? L’Alliance Renault-Nissan a-t-elle un avenir ?  Manifestement non ! C’est ce que nous dit le « quarteron des dirigeants de Nissan » en fomentant ce push.

 

Le conseil d’administration de Renault, les actionnaires au premier chef l’Etat français ont leur part de responsabilité dans les « turpitudes » attribuées à Carlos Ghosn.  Depuis 2011 et une fameuse assemblée (aura-t-on le mot de la fin sur l’épopée des 3 espions ?) progressivement de constructeur Renault est devenue une marque. Derrière le destin de l’ancien PDG aux quatre couronnes se joue celui de l’ex RNUR et de ses salariés Que chacun prenne ses responsabilités.

RAPPEL :

  • «  En 1999 Nissan était pratiquement en faillite, avec une dette de 20 milliards de dollars – c’était le constructeur le plus endetté au monde à cette époque –, et ses résultats étaient minables, passez-moi l’expression, comparés à Toyota ou Honda, et ce non pas sur une seule année mais sur dix ans » dixit C Ghosn.
  • Renault possède 43,4 % de Nissan, Nissan 15% de Renault. Toute autre équation, qui ne serait pas de ce niveau serait une forfaiture. Nous sommes dans un système qui ne laisse aucune ambiguïté : de fait Nissan est la filiale de Renault. Il est étrange qu’il se trouve des bons samaritains pour remettre en cause le montage financier accepté par Nissan[1] :

 

  • En application de l’autorisation conférée, un avenant au « Restated Alliance Master Agreement » a été signé le 11 décembre 2015 dont les modalités portent sur l’engagement par Renault de voter en faveur des résolutions proposées par le conseil d’administration de Nissan à l’assemblée générale de Nissan pour la nomination, la révocation et la rémunération des membres du conseil d’administration de Nissan et de ne pas soumettre à l’assemblée générale de Nissan ou voter en faveur d’une résolution qui n’aurait pas été approuvée par les membres du conseil d’administration de Nissan. Pour ces résolutions, votre société votera conformément aux recommandations du conseil d’administration de Nissan, à défaut Nissan aurait la faculté d’acquérir des actions Renault sans accord préalable. Article du 9 juillet 2016 sur RENEW SRTA

 

  • La montée de Nissan au capital de Mitsubishi s’est faite sans que Renault y soit associé. Ce qui pose évidemment le problème de  la marginalisation du groupe français. Détenteurs de 43,4 % du capital de Nissan, les actionnaires de Renault, dont l’État français auraient dû être consultés suite à la montée de son « partenaire » dans le capital de Mitsubishi. C’est un nouveau coup de canif aux accords qui lient les deux partenaires de l’Alliance puisque  l’arrivée de Mitsubishi aura pour conséquence que le déséquilibre entre les deux constructeurs s’en trouvera amplifié avec l’apport d’un million de véhicules et qu’il va modifier la composition si ce n’est, du capital de Nissan,  au moins celle de l’alliance,  de ce fait la participation de Renault va s’en trouver diluée. Mais comble de cynisme le financement de cette opération mettra les actionnaires de Nissan, dont Renault, à contribution.

 

Claude PATFOORT le 24 novembre  2018

Contact : claude.patfoort@Orange.fr &  http://www.renew-srta.fr/blog/

 

 

[1] Carlos Ghosn, le 17 février 2016 devant une commission de l’Assemblée Nationale.

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